La crise sanitaire que nous traversons impacte de nombreuses facettes de notre quotidien. Éducation, usage des outils numériques, monde de l’entreprise entre (beaucoup) d’autres. Les membres de la cellule d’innovation de HEP EDUCATION, issus non seulement des Écoles et centres de formation membres mais aussi de la société civile ont consacré une matinée à partager leurs expériences relatives à ces changements. Ces partages d’expériences ont pour objectifs d’alimenter les réflexions de la cellule d’innovation et ses projets qui en découlent (parcours d’apprentissage sur les compétences humaines, projets pédagogiques, modules et évènements).

Troisième et dernier volet de notre série d’articles avec un focus particulier sur l’entreprise et sur la manière dont la crise a accéléré sa transformation. 

 

Tout commence par une histoire. Celle de l’humanité. C’est à travers la spirale dynamique, cette vision de l’évolution des civilisations, que Daniel Eppling, fondateur d’Altoe, qui intervient dans les processus de transformation des entreprises, explique la mutation profonde que connaît notre rapport à l’altérité. La spirale dynamique décode les différentes étapes de nos perceptions du monde. Pour Daniel Eppling, “nous sommes sur la ligne de crête, entre un monde de Commande/Contrôle et le monde du Chaos/Confiance. Les systèmes de valeur se sont construits jusqu’ici sur les externalités négatives du cycle précédent. L’Autre a de tous temps été perçu comme une menace mais ce paradigme change, les externalités des niveaux d’existence émergents deviennent positives.
La spirale dynamique en explorant et décodant le temps, nous permet de comprendre les grandes tendances de l’histoire du monde et fait un parallèle entre évolution de la société et les conditions de vie, la représentation de la nature.  Ainsi, la situation sanitaire accélère le processus de prise de conscience que nous vivons dans une seule et unique matrice, les organisations, comme la société dans son ensemble, prennent conscience qu’elles ne forment qu’un seul et unique système vivant”. Une accélération que les différentes prises de paroles des membres du cercle ne viennent pas démentir.


En période de crise, l’humain prend la parole

Un des témoignages, et sans doute le plus emblématique de ce changement d’état d’esprit, est livré par Saly Kourouma, directrice du développement et des offres de services aux Entreprises du Groupe IGS. Ce témoignage se fonde sur une expérience partagée avec l’un des partenaires du Groupe IGS : Les Déterminés, fondé par Moussa Camara, une structure qui oeuvre à permettre à chacun d’entreprendre et de se former. “Un groupe de 16 jeunes débute en 2019 une formation d’un an aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Un groupe hôtelier mondialement connu s’engage, à l’issue de la formation, à embaucher chaque jeune en CDI. La formation s’achève deux jours avant le début du premier confinement, en mars 2020. Compte tenu du contexte, les jeunes ont immédiatement pensé qu’ils ne seraient jamais embauchés. Et pourtant, preuve que dans des moments difficiles, l’humain et le courage font la différence, le groupe hôtelier décide de tenir parole et les 16 jeunes sont bien embauchés, en CDI ”. “Ce mouvement vers une prise en compte de l’humain, dans un monde de l’entreprise décrit, souvent, comme froid et uniquement pragmatique, est renforcé depuis 2019 et la Loi PACTE” explique Yannick Morel de l’APEC. “C’est une opportunité pour chacun de discuter de la vision de l’entreprise au-delà de l’engagement économique. C’est une manière d’amener les collaborateurs à plus de sérénité dans cette période d’incertitude. En définissant la raison d’être de son organisation, chacun peut se projeter”. Martin Serralta rebondit sur cette nécessité pour une organisation de définir sa raison d’être, lui qui accompagne des dizaines d’entreprises et des milliers de personnes par an sur ce chemin tant individuel que collectif. 

 

La nécessaire quête de sens

“La valeur travail comme élément essentiel de la société est fortement remise en question“ exprime Saly Kourouma qui est également membre du Lab RH. “L’innovation RH apparaît aujourd’hui, après un an de crise sanitaire, comme l’enjeu global de toute l’entreprise, ce qui n’était pas le cas avant mars 2020. Aujourd’hui, ce sont bien toutes les directions d’une entreprise qui se trouvent confrontées à la nécessité de garder le lien entre des collaborateurs à distance. Comment intégrer les nouveaux collaborateurs et surtout comment leur donner envie de rester dans l’entreprise devient une véritable problématique. Avec la crise, de nombreux cadres et managers ont pris conscience qu’ils pouvaient changer de vie et se diriger vers des emplois à plus fortes valeurs sociales, humaines. L’entreprise doit s’adapter à cela” ajoute Saly Kourouma, directrice développement du Groupe IGS. Cette quête de sens va bien dans la définition d’une raison d’être de l’entreprise. Avec, précaution apportée par Stéphanie Patfoort, directrice du Campus Sup’ de Com de Lyon, “ne pas substituer la raison d’être de son entreprise à sa raison d’être individuelle. L’organisation, à laquelle on appartient, ne saurait être la seule et unique quête”. Cette crise, loin d’engendrer un repli sur soi, est une formidable opportunité d’accélération de certaines prises de conscience. La définition et l’adhésion des collaborateurs à une raison d’être collective en est une.

Fabien Richert