La crise sanitaire que nous traversons impacte de nombreuses facettes de notre quotidien. Éducation, usage des outils numériques, monde de l’entreprise entre (beaucoup) d’autres. Les membres de la cellule d’innovation de HEP EDUCATION, issus non seulement des Écoles et Centres de formation membres mais aussi de la société civile ont consacré une matinée à partager leurs expériences relatives à ces changements. Ces partages d’expériences ont pour objectifs d’alimenter les réflexions de la cellule d’innovation et les projets qui en découlent (parcours d’apprentissage sur les compétences humaines, projets pédagogiques, modules et évènements).

Le premier volet de cette série de trois articles est consacré aux nouveaux usages du digital. 

Le sujet du digital est au cœur des usages, “boosté” par la crise sanitaire. Collaborateurs, étudiants, usagers, clients, managers… le partage est brutalement devenu pour tous, en mars 2020, distance. Bénéfique, anxiogène, révélateur de nos lacunes, facteur d’agilité, tout cela à la fois. Les nombreux témoignages sur le sujet montrent combien cet événement a marqué, durablement, nos habitudes. 

“Ne surtout pas revenir au 100% présentiel”

“Le Festival de l’Apprendre 2021 s’est tenu à 100% en distanciel” témoigne Tiphaine Bonnet, cofondatrice de la Maison de l’Apprendre à Lyon. “Nous avons eu des messages de remerciements de la part de personnes, en zones éloignées, qui, pour la première fois ont pu prendre part à ce type d’événement et qui nous demandent de ne surtout pas revenir à du 100% présentiel”. La crise aura donc pu permettre de rapprocher des territoires”. L’événement, organisé en janvier, a également été une occasion inédite de permettre la montée en compétences, notamment techniques, de porteurs de projets qui n’avaient jamais expérimenté des outils distanciels. Et le Festival de l’Apprendre de rayonner jusqu’aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud. 

Changer nos usages

La crise a permis l’accélération de certaines mutations sociales. Ainsi, Eric Cherel du Centre de Recherche Interdisciplinaire, explique qu’avant la crise, embaucher un collaborateur ne résidant pas à proximité du CRI – à Paris ou en proche banlieue, “semblait impossible. Je viens d’engager un Développeur qui habite Annecy, un autre dans le Massif Central et un chef de projet qui vit à Saint-Malo. Et nous ne serons en présentiel dans les locaux du CRI qu’une fois par mois”. Certaines barrières sont tombées grâce à de nouveaux usages du digital. L’impact ne se mesurera qu’avec le temps, ajoute le Chief Information Officer du CRI, “une transformation du travail et même du tissu de la société est en train de prendre forme. Si mon village dans la Drôme a la fibre, je peux désormais travailler pour n’importe quelle entreprise dans le monde” et de tout de même préciser que cela concerne 20 à 30 % des métiers. Le sentiment d’un changement durable est le même pour Yannick Morel, de l’APEC – l’Association pour l’emploi des cadres. “Nous sommes passés du jour au lendemain à 100% des collaborateurs à distance. Aujourd’hui, quand nous interrogeons les cadres des entreprises, 70% veulent continuer le distanciel. Pas à plein temps, mais tout du moins en garder la souplesse dans leur organisation”. 

“Dissocier l’habitat du talent”

Emmanuelle Roux, fondatrice du Chaudron, pratique quant à elle le distanciel depuis 2008. “Quand on est une entreprise du numérique et que l’on est installé en Vendée, le recrutement de collaborateur à distance est une habitude. Cela demande à dissocier l’habitat du talent. J’ai des collaborateurs dans l’Est de la France, deux à Paris, trois à Nantes. Cela demande de structurer des temps d’équipe, en présentiel, environ une fois toutes les trois semaines mais également en distanciel… nous travaillons régulièrement micros et caméras ouverts “. 

“Nous sommes des êtres de sensation”

Et les étudiants dans tout cela ? Le constat est nettement moins optimiste les concernant. Stéphanie Patfoort, directrice du Campus Sup’ de Com à Lyon, aura l’occasion de revenir, dans un autre article, sur les problématiques liées à l’Éducation proprement dite. Elle insiste cependant ici sur la notion “de lien qui se passe dans un lieu”. L’École est avant tout un lieu, un contenant, un endroit fort de sens, “quand on est sur du numérique, il y a comme une sorte de dilution, de diversion. Nous sommes des êtres de sensation et le numérique ne permet pas cet aspect sensitif. Face à une classe quand les étudiants ont fermé caméras et micros, le cours devient une improvisation permanente. La transmission des compétences et des savoirs est bien plus complexe, d’autant que le temps d’attention d’un étudiant de 18 ans est d’environ 9 minutes. Après, surtout à distance… nous le perdons jusqu’au prochain cours”. 

Pistes de réflexion et partage d’expériences sont au cœur du travail des membres du Cercle des Innovateurs de HEP EDUCATION. N’hésitez pas à réagir, à reprendre la balle au bond pour initier un nouveau débat sur notre site Internet ou nos réseaux sociaux. 

Fabien Richert
11 mars 2021